Dans un travail récent, Séverin et Veganzones (2021) traitent du rôle de la relation bancaire sur la probabilité de faillite des PME françaises. La prise en compte de variables de relation bancaire permet une amélioration de la performance des modèles de prédiction de faillite. Plusieurs résultats sont mis en évidence. Premièrement, la multibancarité est un moyen pour les entreprises en difficulté de diversifier leurs sources de fonds. Cette diversification est un moyen d’éviter d’une part, la faillite et, d’autre part, les problèmes de « hold-up » (Rajan, 1992), des taux d’intérêt non compétitifs (Sharpe, 1990) ou un rationnement du crédit si l’entreprise a une seule banque avec un monopole informationnel. Deuxièmement, la durée de la relation bancaire incite l’entreprise à partager des informations privées favorisant un meilleur approvisionnement en fonds (Bartoli et al., 2014).

Ainsi, la longueur de la relation bancaire permet, d’une part, de se forger une réputation de qualité de service pour la banque (Ongena et Smith, 2000) et, d’autre part, d’obtenir un meilleur accès au financement en quantité et en prix pour l’entreprise (Hernandez-Canovas et MartinezSolano, 2007).

En définitive, la longueur de la relation bancaire est un facteur qui influence négativement la faillite des entreprises. Troisièmement, la proximité de la relation bancaire est un facteur de survie de l’entreprises car les banques de proximité peuvent offrir des financements et des services adaptés aux PME selon leurs besoins en raison de leur accès à des informations privilégiées de qualité sur tous les facteurs externes et internes qui entourent l’activité de la PME (Neuberger et Räthke, 2009).

A l’inverse, la distance (géographique) entre la banque et l’entreprise augmente la probabilité de faillite. En effet, les processus décentralisés des petites banques leur permettent de mieux quantifier et traiter les informations acquises auprès des PME pour s’engager dans une relation bancaire (Stein, 2002). L’investissement des actifs des petites banques dans de petits prêts, grâce leur relation privilégiée, favorise l’offre de prêts aux PME (Berger et Udell, 1995). Ces résultats ne sont guère surprenants et permettent de mettre en lumière les avantages du financement bancaire et ses limites en particulier à l’heure du crowdfunding ou de la révolution du bitcoin et des crypto-monnaies.

La question est donc simple, qu’apportent les banques à l’économie et aux entreprises ?

Premièrement, les banques bénéficient d’économies d’échelle dans la collecte et le traitement de l’information. Elles peuvent donc utiliser cet avantage pour évaluer, contrôler et soutenir les emprunteurs (Diamond, 1984, 1991). Si l’information récoltée et analysée n’est pas le propre des banques, ces dernières bénéficient de plusieurs atouts : le facteur temps qui permet à la banque de pouvoir capitaliser sur les prêts passés pour accorder des prêts futurs (Chan et al., 1986), la diversité des services et produits proposés (découvert, produits épargne…) qui permet de mieux circonscrire la solvabilité de la firme et sa capacité à faire face à ses engagements (Nakamura, 1990) et, la proximité géographique surtout pour les petites banques qui, de par les relations développées, ont une connaissance fine de l’emprunteur ce qui est d’autant plus important pour des PME souvent caractérisées par une forte asymétrie d’information (Nakamura, 1994). Un autre atout du financement bancaire tient dans sa renégociabilité. Le faible nombre de prêteurs réduit les conflits d’intérêt favorisant un consensus plus facile à obtenir (Detragiache, 1994). Ainsi, une entreprise en difficulté a plus de chance d’obtenir une restructuration de son endettement et le soutien des banques (Gilson et al., 1990). Le financement bancaire permet donc de réduire la probabilité de faillite des entreprises En regard de ses avantages, le financement bancaire souffre de limite voire d’effets négatifs. L’avantage informationnel n’existe pas au début de la relation bancaire mais seulement au fil du temps et s’il existe il doit se mesurer à l’aune du rapport coût/bénéfice. En effet, le traitement de l’information est coûteux et le banquier ne le traitera que s’il estime que les avantages procurés sont supérieurs aux coûts. La non utilisation de certaines informations dans les modèles de faillite en est la pleine illustration. De même, l’incapacité à bien discerner la qualité des emprunteurs conduit les banques à des conditions uniformes de leurs crédits ce qui nuit à leur activité et profit.

Cette information privilégiée peut également être préjudiciables aux entreprises. Les banques peuvent s’approprier les informations uniques fournies par les entreprises et non disponibles pour d’autres organisationsen les exploitant à leur profit (Von Thadden, 2004). En raison d’un effet d’inertie coûts fixes pour trouver une autre banque et de l’avantage informationnel détenu par la banque, la possibilité de trouver des sources alternatives de fonds est réduite et permet à la banque d’extraire une rente informationnelle en pratiquant, par exemple, des taux d’intérêts plus élevés. C’est le problème du « hold-up » mis en évidence par Von Thadden (1992). Par ailleurs, la situation de la banque elle-même peut conduire les banques à soutenir des entreprises non viables (zombification) (Caballero et al., 2008). En effet, des entreprises en grande difficulté.

peuvent bénéficier d’un trop grand soutien des banques, le plus souvent ellesmêmes fragilisées. De peur de ne pas pouvoir supporter des pertes, les banques accordent leurs soutiens à des entreprises peu performantes. Cela a plusieurs conséquences : un capital mal employé (congestion) sur des activités faiblement rentables, un manque de fonds pour les entreprises performantes et innovantes et au-delà à une perte de compétitivité et une destruction d’emplois.

En définitive les banques restent indispensables au bon fonctionnement de l’économie même si leurs pratiques et organisations présentent des limites. C’est pourquoi, on voit naître d’autres acteurs qui peuvent venir les combler. Nul doute que les banques en sont conscientes et qu’elles en tiennent et tiendront compte à l’avenir pour se renouveler et rester un acteur incontournable du développement économique.


Eric SÉVERIN, Professeur des Universités,  IAE de Lille, Université de Lille

David VEGANZONES, Docteur en Finance, OMNES Education