Changement de paradigme vers un assainissement budgétaire fondé sur la croissance

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L’Europe a renoué avec la croissance économique et un scenario solide de sortie de crise semble enfin se dessiner, appelant à une réflexion sur les orientations à donner aux politiques budgétaires dans les années à venir.

Les mesures de soutien d’ampleur inédite mises en place par les Etats européens ont préservé leurs économies face aux restrictions nécessaires à l’endiguement de la Covid-19, mais ont entraîné un recours massif à l’endettement. Les marchés de capitaux ont pu fournir ces montants sans douleur, offrant des taux d’intérêt particulièrement faibles. Les pays développés bénéficient en effet depuis plusieurs années de conditions d’emprunts particulièrement avantageuses grâce aux politiques ultraaccommodantes des banques centrales. Si l’endettement public en Europe atteint des niveaux records, les charges d’intérêts des états sont en baisse constante (Graphique 1-page suivante). En France, elle est passée de 2.6% du PIB en 2000 à 1.3% en 2020 et atteindrait 0.8% d’ici 2026.

Les épisodes récents d’inflation alimentent les craintes d’une remontée rapide des taux d’intérêts, mais ils sont dus à des facteurs temporaires liés à la pandémie qui devraient se dissiper à moyen terme. Il y a fort à douter que les tendances structurelles d’un excès d’épargne et d’une insuffisance chronique de demande agrégée s’inverse. Si les taux augmentent, il est peu probable qu’ils reviennent à leur niveau d’il y a 20 ans. Une remontée progressive des taux ne se traduirait pas immédiatement par une hausse de la charge de la dette, notamment, en vue de l’allongement de la maturité moyenne des dettes publiques qui verrouille pour un temps ces taux faibles.

Ainsi, le paradigme dans lequel s’inscrivent les stratégies budgétaires des pays européens a changé ; les pays européens ont tiré les leçons des crises précédentes et se sont réorientés vers des politiques fiscales favorables à la croissance, facilitées par le contexte de taux faibles.

La crise du Covid-19 n’est toutefois qu’un ultime exemple des chocs majeurs et imprévisibles auxquelles nos économies sont sujettes. Cette incertitude nous enjoint à tirer parti des conditions de financement actuelles pour nous assurer les marges de manœuvres budgétaires nécessaires pour répondre aux crises à venir.

L’assainissement des finances publiques devra passer par une augmentation du potentiel de croissance des pays européens. Pour ce faire, les politiques budgétaires de sortie de crise doivent préparer les conditions d’une croissance pérenne et soutenable, apte à faire face aux défis écologiques et sociaux.

Les institutions européennes ont un rôle essentiel à jouer dans cet effort commun. Le plan Next Generation EU représente une composante clé dans ce processus. D’un montant de 750 milliards d’euros, le plan doit soutenir la croissance et promouvoir la convergence au sein de l’UE par les transferts budgétaires, les investissements ciblés et les réformes structurelles qu’il engage (Graphique 2-page suivante).

Dans ce contexte, la capacité institutionnelle des états à mobiliser les finances publiques et enclencher les réformes en faveur d’une croissance solide post crise sera la clé de voute de la soutenabilité des dettes publiques.

Thibault VASSE, Analyste, notation souveraine et du secteur public, Scope Ratings

Marc LEFÈVRE, Directeur Europe de l’Ouest, Scope Group