La fiscalité post-covid, un changement de cap ?

Vers une fiscalité adaptée aux contribuables numériques et multinationaux pour mieux soutenir les contribuables locaux...

L'épidémie de COVID19 a profondément bouleversé le paysage économique. Ses impacts ont été très brutaux pour ceux dont l’activité a dû être interrompue ou fortement ralentie du fait de mesures de prévention. Pour pallier la baisse des revenus, les pouvoirs publics ont contribué à la couverture tant de leurs frais fixes (personnel, loyers…) que de leurs dettes fiscales et sociales. Certaines entreprises, usant de solutions numériques, ont su se réinventer, en conservant un personnel actif et des capacités de production importantes tout en recourant à des dispositifs innovants (outils digitaux, télétravail, etc.).

Pour compléter les subventions, le recours facilité au chômage partiel, les reports de charges sociales et les prêts garantis par l’Etat, les autorités ont instauré des mesures d’aides fiscales, en permettant une déduction accrue des abandons de créances et en assouplissant le report en arrière des déficits fiscaux reportables. En parallèle, la baisse du taux d’impôt sur les bénéfices à 25% se poursuit jusqu’à son terme, en 2022.

Malgré cela, avec la fin du « quoi qu’il en coûte », les liquidités accrues dont bénéficient certaines entreprises vont se réduire, poussant certaines d’entre elles à rechercher de nouveaux investisseurs ou à se rapprocher de leurs partenaires ou concurrents. Le dispositif actuel de lutte contre la sous-capitalisation est très souple et permet aux PME et ETI d’accéder facilement à des niveaux d’endettement élevés sans limitation fiscale à la déduction des charges financières y afférentes. Il devrait faciliter de tels rapprochements.

Par ailleurs, les périodes de confinement ont significativement changé les habitudes de consommation des contribuables. Sous l’impulsion des plates-formes numériques et des réseaux sociaux, les boutiques numériques ont pris le pas sur les commerces physiques et les ventes par correspondances ont explosé, sans toutefois générer de revenus fiscaux sensibles pour l’Etat.

Souvent mal vécus par les consommateurs, les impôts de consommation, tels la TVA, sont les seuls susceptibles de compléter les dispositifs douaniers et de protéger les entreprises locales. Si l’on excepte ces prélèvements sur les ventes, le système fiscal actuel ne parvient pas à taxer dans l’Etat de résidence des clients les bénéfices réalisés par des entreprises qui n’y sont pas établies.

En réaction, plus de 130 pays de l’OCDE, ont adopté récemment un nouveau cadre pour la fiscalité internationale, en vigueur dès 2023. Il est envisagé de réattribuer une partie des droits d’imposition sur les grandes entreprises aux Etats dans lesquels elles exercent des activités commerciales, qu’elles y aient ou non une présence physique, et d’instituer un impôt minimum mondial sur les bénéfices au taux de 15%. Cette avancée significative n’est cependant qu’une première étape…

Tout en précipitant la révolution numérique, la COVID souligne les déséquilibres importants dont souffre l’économie française et sa dépendance vis-à-vis de l’étranger. Pour y remédier et assainir ses finances, l’Etat doit capter une partie de la richesse générée sur le territoire national par les acteurs étrangers et faciliter l’émergence d’acteurs locaux proposant des alternatives réelles aux produits importés. Pour accompagner cette évolution, une réforme plus globale du système fiscal et social, aussi bien en matière d’impôts de consommation que d’impôts sur les bénéfices ou de coût du travail, parait encore nécessaire…

Jean VINCENSINI, Avocat associé