Les Business Angels et l’esprit d’entreprendre

Un maillon clé de la chaine du financement à féminiser …

Les start-ups, des entreprises pas vraiment comme les autres

Toutes les entreprises qui se créent ne sont pas des start-ups. Une start-up, c’est avant tout une équipe d’entrepreneurs d’exception, une offre innovante, un avantage concurrentiel sur un marché à fort potentiel de croissance et la capacité de croître rapidement en réalisant des économies d’échelle (la « scalabilité »). Mais c’est aussi une société en phase d’expérimentation, un marché incertain, un modèle économique à prouver et des financements significatifs avant d’atteindre la rentabilité.

Qui font appel à une chaîne de financement spécifique

Dans ce contexte de risque élevé, difficile à évaluer, la chaine de financement de l’innovation est bien spécifique. Pour mettre au point leur offre et démontrer la preuve de leur concept (le POC), les fondateurs démarrent avec leurs propres apports, font appel à la « love money » ou les « friends, family and fools » (les 3 F), souscrivent des prêts d’honneur, recherchent des aides publiques et des subventions. Viennent ensuite les premières levées de fonds externes, auprès des financeurs de l’amorçage  : plates-formes de crowdfunding, Business Angels individuels ou en réseaux, fonds d’amorçage et, plus récemment, des Family Offices, des fonds de capital investissement et des Corporate Ventures.

D’un côté, bien choisir sa start-up

Les Business Angels interviennent très tôt dans la chaine de financement, pour accompagner des entreprises « non bancables ». Cet accompagnement va durer plusieurs années (souvent au-delà de 5 ans), les seules options de « sortie » étant – soit l’échec du projet et la perte du capital investi, - soit la revente des actions, parfois lors d’un tour de financement ultérieur, souvent lors d’un rachat total ou partiel de la start-up, exceptionnellement lors d’une introduction en Bourse. A la différence des fonds d’investissement, les Business Angels investissent une partie de leur propre patrimoine. Ils prennent un risque financier personnel aux côtés des fondateurs, et réalisent un investissement illiquide, risqué et sur une durée indéterminée.

Si des milliers de start-ups voient le jour chaque année en France, le taux d’échec reste élevé, et seules quelques-unes deviendront ces fameuses « pépites » recherchées par tous les investisseurs.

Il n’existe aucune grille magique, aucun système d’analyse infaillible, même si des start-ups se sont spécialisées ces dernières années dans… l’évaluation de leurs pairs. Car investir dans une startup, c’est avant tout investir dans l’humain. Etre Business Angel, c’est donc rencontrer des dizaines d’équipes de fondateurs, comprendre leurs motivations, challenger leur potentiel et leur modèle, adhérer à leur vision et prendre des risques à leurs côtés.

Et de l’autre, bien choisir ses investisseurs

Cette première étape de financement constitue pour beaucoup d’entrepreneurs une première et un exercice difficile. Il leur faut à la fois convaincre de nouveaux partenaires pour développer leur projet, instaurer la confiance et s’assurer que ce nouveau tour de table fonctionnera bien.

Dans la majorité des cas, les Business Angels prennent directement une participation au capital des entreprises – et deviennent actionnaires minoritaires (entre 10% et 30%) de la start-up. Ils signent un pacte d’actionnaires avec les fondateurs et les autres investisseurs, et participent au comité stratégique, qui constitue souvent le premier organe de gouvernance de la start-up.

Un actionnariat bien choisi et une gouvernance organisée peuvent apporter aux entrepreneurs une valeur ajoutée qui va bien au-delà de l’apport financier. Des compétences, de précieux contacts, un effet miroir, un challenge régulier pour briser la solitude de l’entrepreneur, une aide pour anticiper les prochaines étapes… Mais parfois, le mariage ne fonctionne pas, les investisseurs sont absents, ou trop présents, ou leurs intérêts ne sont pas alignés avec ceux des fondateurs. Bien choisir ses investisseurs, c’est donc un enjeu majeur pour l’entrepreneur.

Des « investisseurs providentiels » qui partagent leur esprit d’entreprendre

Il est difficile d’estimer le nombre de Business Angels en France. La partie visible des BAs regroupés en réseaux compte environ 5 000 Business Angels, auxquels s’ajoutent tous les Business Angels indépendants, qui investissent directement, ou qui se regroupent dans des clubs informels ou des structures ad hoc. Mais le nombre de Business Angels reste historiquement faible, en raison, entre autres, d’une fiscalité peu incitative pour des investissements à haut risque. Un récent décret a remonté temporairement (jusqu’à fin 2021) la réduction d’impôt « IRPME » de 18% à 25% du montant investi, mais toujours dans la limite de l’enveloppe des « niches fiscales » (10 000 euros).

Cependant, avec un écosystème entrepreneurial dynamique, une médiatisation de la « start-up nation  », des entrepreneurs-investisseurs emblématiques, le financement de l’innovation attire et se démocratise.

Ces nouveaux Business Angels sont plus jeunes, plus actifs : des chefs d’entreprises, des entrepreneurs, des cadres, des professions libérales, qui souhaitent investir utilement leur patrimoine, orienter leur épargne vers l’économie réelle, innovante. Ils investissent, en moyenne, des « tickets » de quelques dizaines de  k€ dans chaque start-up, et vont partager pendant plusieurs années leur fibre entrepreneuriale avec les fondateurs qu’ils accompagnent.

Qui interviennent seuls ou en réseau

Si certains investisseurs sélectionnent seuls leurs projets, d’autres choisissent de se regrouper en réseaux, pour accéder à un dealflow riche et qualifié (plusieurs centaines, voire milliers de dossiers par an), confronter leurs analyses et leurs expériences avec d’autres Business Angels, et proposer aux entrepreneurs des montants d’investissements plus importants.

La France compte ainsi 60 réseaux de Business Angels organisés et regroupés sous l’égide de la fédération France Angels, chaque réseau rassemblant plusieurs dizaines ou centaines d’investisseurs qui sourcent, sélectionnent, instruisent et investissent ensemble dans les startups les plus prometteuses. En 2020, Les réseaux de la Fédération France Angels ont ainsi investi 36 M€ dans 336 start-ups, dont 41% dans la santé et les biotechnologies et 29% dans le digital.

Et comptent encore trop peu de femmes dans leurs rangs

Mais force est de constater que l’actionnariat et l’investissement restent des sujets toujours éloignés des préoccupations féminines. Encore aujourd’hui, seulement 10% des Business Angels sont des femmes.

En réaction à ce manque d’investisseuses, est né en 2003 le réseau Femmes Business Angels. Unique réseau féminin de Business Angels en France et 1er réseau féminin en Europe, FBA réunit aujourd’hui plus de 150 femmes investisseuses, qui ont participé à 200 opérations d’investissement, dont 35% de projets portés par des équipes mixtes ou féminines.

Car si l’investissement est masculin, l’entrepreneuriat l’est également. Seules 10 à 15% des start-ups innovantes sont portées par des équipes mixtes ou féminines alors que de nombreuses études démontrent que la mixité est un réel facteur de performance. Ainsi, les Femmes Business Angels soutiennent activement l’investissement mais aussi l’entrepreneuriat féminin.

Le poids du passé continue d’éloigner les femmes de l’investissement

FBA a réalisé plusieurs études françaises et européennes sur les motivations et les freins des femmes à l’investissement et a édité, lors de son dernier forum de l’investissement au féminin, le WinDay, en mars 2020, un livre blanc intitulé «  Investissement et actionnariat, leviers de la réussite économique des femmes ».

Ces études ont mis en lumière un certain nombre de freins qui éloignent les femmes de l’investissement : moins de patrimoine, des biais culturels et éducatifs, le manque de temps et la priorité donnée à la famille, ou encore une plus grande sensibilité face à des risques difficiles à évaluer. C’est pourquoi Femmes Business Angels a mis en place, depuis plusieurs années, un programme complet de formation et de marrainage, afin d’inciter toujours plus de femmes à s’engager dans l’activité passionnante de Business Angel.

La mixité est pourtant un véritable levier de performance dans l’investissement comme dans le reste de l’économie

Pour éviter la pensée unique et soutenir un entrepreneuriat plus diversifié et donc plus performant, il est essentiel de mobiliser plus de femmes dans l’investissement. Elles donnent une place importante à la mixité et aux enjeux sociétaux et environnementaux dans leurs critères d’investissement, et portent un autre regard sur les équipes de fondateurs – et de fondatrices. Parmi les nombreuses start-ups soutenues par Femmes Business Angels, beaucoup répondent à ces nouveaux enjeux, comme par exemple Altaroad (routes intelligentes), la Wild Code School (école de coding), WeNow (neutralité carbone), Happytal (conciergerie à l’hôpital) ou encore Cardiawave (dispositif médical pour le traitement de la sténose aortique). Et cette tendance s’accentue, puisqu’en 2020, la moitié des projets financés par FBA étaient des projets à impact.

Plus de femmes investisseuses, c’est plus de diversité dans les entreprises pour une meilleure performance économique, et c’est un engagement pour un monde plus responsable, sur lequel les entreprises de demain ne peuvent plus faire l’impasse. C’est aussi une manne financière encore inexploitée qui pourrait bénéficier à l’économie réelle. Au-delà de l’investissement, c’est toute la chaîne entrepreneuriale qui devient plus vertueuse…

Florence RICHARDSON, Présidente de Femmes Business Angels