Les enjeux de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne

Contribution de l’Adan Pour une Europe des crypto-actifs

L e 1er janvier 2022, la Slovénie a passé le flambeau de la Présidence du Conseil de l’Union européenne à la France. Ainsi, durant tout ce premier semestre, la nation sera à la manœuvre pour impulser les travaux législatifs du Conseil et garantir la continuité du programme de l’UE. Trois priorités : la relance, la puissance, et l’appartenance à l’Union.

La France place la transition numérique de l’Europe au cœur de ce programme. En effet, elle promeut la construction d’un nouveau modèle européen de croissance pouvant soutenir l’innovation, favoriser la compétitivité de ses entreprises du numérique et inscrire ses valeurs dans le nouveau monde numérique qui se profile. Cette industrie forte devient ainsi un élément essentiel du renforcement de la souveraineté de l’Europe, plus que jamais une priorité dans le moment charnière que nous vivons.

L’avenir de l’Europe numérique est et sera porté par la révolution des crypto-actifs. Le secteur dit “crypto” est au cœur du réacteur de nombreuses mutations qui l’accompagnent depuis une décennie. Depuis la création du bitcoin et des toutes premières cryptomonnaies, des stablecoins, ou encore de nouveaux modes de financement et de la finance décentralisée (DeFi), l’innovation constante catalysée par les crypto-actifs dessine les contours de la finance européenne de demain.

Dans ce nouveau spectre de la finance, l’Europe - et en premier lieu la France - ont clairement une carte à jouer. Depuis 2011 et l’arrivée de ses tous premiers acteurs, l’industrie française et européenne des crypto-actifs s’est développée et structurée sur de nombreux segments  : investissement, épargne, paiement, financement, services bancaires et financiers décentralisés, etc. Les membres de l’Adan illustrent cette diversité et cette complémentarité.

Il n’est donc pas étonnant qu’une priorité importante de la PFUE porte sur la protection des transactions financières contre les menaces cyber et criminelles. C’est pourquoi la France entend faire avancer les travaux relatifs à la régulation de la finance numérique.

Il s’agit en premier lieu du règlement relatif aux marchés de crypto-actifs (MiCA), proposé par la Commission européenne en septembre 2020. Largement inspiré de l’agrément des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) entériné au moment de la loi PACTE, MiCA vise à encadrer tant le marché primaire que secondaire des crypto-actifs (non qualifiés d’instruments financiers), à savoir les cryptomonnaies, les jetons émis dans le cadre d’Initial coin offerings (ICOs), et les stablecoins.

En second lieu, la réforme du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT), engagé par la Commission européenne en juillet 2021, entend harmoniser au niveau communautaire les obligations des PSAN en la matière. Cette révision est protéiforme : mise en place d’une nouvelle Autorité européenne de supervision ad hoc (l’AMLA), révision des règles concernant les transferts de fonds afin de garantir la traçabilité des crypto-actifs (travel rule), renforcement des obligations de vigilance des personnes exposées, etc.).

Il convient de noter que les acteurs français sont particulièrement vertueux dans ce domaine, et s’érigent ainsi comme des partenaires de confiance privilégiés en Europe. En effet, depuis l’instauration de la loi PACTE, les prestataires établis en France ou adressant le marché français doivent s’enregistrer auprès de l’AMF et respecter le dispositif européen en matière de LCB-FT (ceci étant contrôlé par l’ACPR). Ainsi, la réforme européenne constitue une nouvelle positive puisqu’elle restaurera les conditions d’une concurrence équitable au sein de l’Union européenne.

Désormais, tout l’enjeu réside en ce que la réglementation - indispensable pour favoriser la confiance dans les marchés et l’adoption par de nouveaux utilisateurs - ne bride pas l’innovation en répondant à deux impératifs : être proportionnée et adaptée. Proportionnée, car l’avenir de l’Europe numérique et financière est porté, en premier lieu, par les nouveaux acteurs. Les deux licornes françaises du secteur, Ledger et Sorare, en sont l’illustration parfaite. L’explosion de la finance décentralisée, portée par les “pure players” des cryptoactifs, confirme ce constat. Adapté, car l’innovation oblige à repenser le paradigme réglementaire traditionnel. Or, sur ces deux critères, les débats en cours au niveau européen ne prennent pas toujours la bonne direction et menacent la croissance du secteur.

Ainsi, le secteur crypto français et européen sera particulièrement attentif à un certain nombre de sources d’inquiétude. La volonté d’ouvrir trop largement le périmètre de MiCA à des innovations qu’un tel encadrement viendrait tout simplement anéantir, comme la finance décentralisée ou l’industrie des nonfungible tokens (NFT). Les menaces sur la neutralité technologique, alors que l’idée d’interdire le minage fait son chemin au Parlement européen. L’opportunité manquée de renforcer la souveraineté monétaire de la zone euro, tandis que le régime envisagé risque d’empêcher tout stablecoins euro de voir le jour. L’application trop précoce de la travel rule alors qu’il n’existe à ce jour aucune solution technique européenne, ce qui créerait de dangereuses vulnérabilités en matière de protection des données financières des citoyens européens, de cybersécurité et de dépendance des entreprises européennes.

L’avenir de l’Europe numérique est donc jalonné de nombreuses inconnues. La Présidence française du Conseil de l’Union européenne doit se saisir de cette opportunité d’affirmer plus clairement son soutien à l’industrie européenne des crypto-actifs et de créer les conditions de son épanouissement, par un juste équilibre entre réglementation et innovation. Pour une Europe pleinement souveraine, libre de ses choix, maître de son destin.

Faustine FLEURET, Présidente et Directrice générale de l’Adan