Les sociétés de gestion entrepreneuriales :

Diversité des talents et des moteurs d’innovation

La création du statut de sociétés de gestion de portefeuille en 1989, puis la loi de modernisation des activités financières de 1996 ont permis la reconnaissance de la gestion pour compte de tiers comme un métier à part entière, devenu l’un des fleurons de l’industrie financière française aux cotés des métiers de la banque ou de l’assurance. En effet, avec plus de 4 350 mds d’euros d’actifs gérés à fin 2020, la gestion française occupe la première place en Europe continentale, et son taux de croissance annualisé avoisine les 5% depuis le point bas de 2008. Le marché français compte aujourd’hui 680 sociétés de gestion de portefeuille et une quarantaine de nouvelles sociétés se crée chaque année. Ces sociétés couvrent l’ensemble des classes d’actifs et des styles de gestion, et certaines figurent parmi les leaders mondiaux en termes d’encours sous gestion. Signe d’attrait pour cette activité jeune et dynamique, ses effectifs internes (19 000 équivalents temps plein) continuent de croître chaque année (+20% sur les cinq dernière années), portés par une diversité des profils propres aux fonctions gestion, commerciales, opérationnelles, contrôles/conformité, supports…

Une singularité de la gestion française, dans le paysage européen, réside dans l’importance inégalée et la diversité de son tissu entrepreneurial qui représente, en nombre et en création, les deux tiers des acteurs et le tiers des équipes de gestion. Si au global, la part de marché des sociétés de gestion entrepreneuriales sur le marché français est inférieure au dixième des encours gérés, celle-ci est nettement supérieure sur les expertises en gestion actives ou alternatives au sens large. En effet, historiquement orientées vers la gestion privée, investies en titres actions ou de dettes d’entreprises, notamment les petites et moyennes capitalisations, et dotées d’une forte proximité avec la clientèle, ces sociétés ont progressivement développé de nouvelles expertises en gestion non-cotée, alternative, quantitative, structurée, performance absolue, en diffusant leur savoir-faire via des fonds d’investissement. A cet égard, la qualité reconnue internationalement de la formation scientifique française, et notamment en mathématique, constitue un avantage concurrentiel fort pour les gestions en termes d’innovation financière et technologique.

Créées par des professionnels expérimentés, nombre de « French boutiques » sont reconnues, y compris à l’international, par les distributeurs et les investisseurs pour la qualité de leur offre différenciante et de conviction, la stabilité de leurs équipes, la souplesse de leur organisation, leur capacité d’innovation, la compréhension des besoins et le service aux clients. Une soixantaine d’entre elles dépasse désormais le seuil du milliard d’euros d’encours, et une cinquantaine d’autres le seuil des 500 millions d’euros sous gestion. Leur développement s’opère notamment en ouvrant des bureaux de commercialisation à l’étranger, en nouant des partenariats de distribution, et en construisant une image de marque forte autour de leurs fonds emblématiques disposant de track-record conséquents.

Si l’activité de gestion pour compte de tiers bénéficie de facteurs de croissance importants (rôle renforcé dans le financement de l’économie notamment en période de taux bas, croissance de l’investissement responsable, développement de l’épargne longue…), elle évolue aujourd’hui dans un contexte de baisse tendancielle de ses marges. En effet, elle connait, d’une part une pression réglementaire et concurrentielle à la baisse sur les prix et d’autre part, une hausse continue des charges liées aux coûts d’adaptation règlementaire (MIF2, PRIIPS, SOLVA2, GDPR…), d’investissement technologique et de développement commercial. Si l’ensemble des sociétés de gestion sont concernées, cet effet ciseau et d’absorption des coûts incompressibles, qui poussent à la recherche d’économie d’échelle, impactent plus fortement les nombreuses sociétés entrepreneuriales de petites et moyennes tailles (la moitié des SGE gérant moins de 50 millions d’euros et le tiers de celles gérant moins de 300 millions d’euros étaient en pertes d’exploitation en 2019). Pour ces sociétés, atteindre la rentabilité nécessaire pour concourir sur les marchés très concurrentiels de l’épargne, devraient s’accompagner d’une adaptation des business model et d’un meilleur renforcement des liens avec l’écosystème. Outre les revenus directement liés à l’activité de la gestion financière, les sociétés de gestion, sous réserve d’agréments spécifiques, peuvent proposer à leurs clients d’autres services d’investissement tels la réceptiontransmission d’ordre pour compte de tiers, la commercialisation d’OPC, le conseil en investissement, la gestion de mandats d’arbitrage en UC dont l’activité a progressé du fait notamment de la baisse des taux d’intérêts. Ainsi, pour les sociétés, ce partage des moyens et des compétences peut se réaliser via les rapprochements entre sociétés (en accélération depuis 2013), la mise en commun de moyens (GIE), l’ouverture au capital d’institutionnels ou de distributeurs partenaires, l’apport des incubateurs. Par ailleurs, les offres des fintechs, sont aussi un atout pour accroitre l’efficience opérationnelle des sociétés de gestion et la qualité des services offerts aux clients. Par exemple, les technologies liées au Big data et à l’intelligence artificielle se diffusent dans les processus de gestion et d’analyse financière, dans les processus de contrôle et de gestion des risques, dans le processus de marketing et de commercialisation…

Le dynamisme de la gestion française, via la diversité de ses talents et de ses moteurs d’innovation, est aussi le reflet de l’essor des sociétés de gestion entrepreneuriales. Répondre aux besoins et aspirations de ses clients via un dialogue et une éducation financière renforcés, la réglementation l’y invite en coordination avec ses partenaires distributeurs, est gage pour la gestion d’actifs de jouer son rôle majeur dans le développement et la diffusion de solutions d’épargne diversifiées favorisant la construction de patrimoines mieux rémunérés sur le long terme. Ce faisant, les gestions contribuent de manière substantielle au financement des émetteurs, notamment en fonds propres, et à la reprise d’une croissance durable en appui des enjeux environnementaux et sociétaux.

Thomas VALLI, Directeur des études économiques de l’AFG