15% des clients des banques sont actuellement à la merci des imprévus, avec très peu de maîtrise de leur avenir : ils n’ont, tout à la fois, pas d’épargne, pas de dettes et pas de projets de moyen terme. Des clients extrêmement passifs.

Nous ne parlons pas ici de personnes dans une situation de grande pauvreté ou de surendettement, souvent de fait exclus du système bancaire. Non, il s’agit ici de clients socialement intégrés, ayant un compte en banque, mais qui ont des revenus modestes et se sentent peu compétents face aux questions d’argent deux caractéristiques très souvent liées.

Nos travaux montrent que les banques auraient tout intérêt à proposer un accompagnement spécifique à ces 15% de clients vulnérables, pour les aider à se protéger des aléas de la vie et améliorer progressivement leur situation.

Tout l’enjeu est d’inciter d’abord ces clients à épargner régulièrement même de petites sommes, de leur permettre de s’endetter même à petite échelle, pour pouvoir alors mener à bien certains des projets qui leur tiennent à cœur : du passage du permis ou de l’achat d’un premier véhicule pour les plus jeunes, au financement des études des enfants ou petits-enfants...

Cette clientèle vulnérable pourrait assez facilement être identifiée par les établissements bancaires. Nous avons construit une échelle de vulnérabilité articulant des critères socio-démographiques (âge, genre, situation maritale, ...) et des critères de compétences financières. Obligées de faire passer des questionnaires à tous leurs clients qui investissent en produits risqués (directive MiFID), les banques pourraient, sans difficultés, interroger plus largement l’ensemble de leurs clients en adaptant les documents.

En tirant parti de ces informations, les banques pourraient alors proposer aux clients identifiés comme vulnérables des services adaptés qui les aideraient à mieux maîtriser leur situation financière.

Des agrégateurs de compte ont été créés ces dernières années par des startups. Elles permettent aux clients qui, au gré d’opérations de promotion, se sont retrouvés à la tête de plusieurs comptes bancaires, d’avoir déjà une vue panoramique de leurs avoirs.

De même, des outils de simulation, via des applications, pourraient aider les clients vulnérables à se projeter dans l’avenir de manière sécurisée. L’éducation financière n’est pas un luxe. L’OCDE porte un projet international dans ce domaine, confié dans l’Hexagone à la Banque de France. On pourrait imaginer par exemple une prise en charge des jeunes au moment où ils ouvrent un Livret Jeune, afin de les faire monter en compétences, voire des opérations de sensibilisation à l’épargne via les réseaux sociaux.

Un meilleur accompagnement bancaire de ces personnes vulnérables éviterait que celles-ci soient obligées de recourir à des prêts à la consommation à taux très élevés en cas d’évènements imprévus (on pense au Covid ou à la hausse brutale des coûts de l’énergie). 

Des cercles vicieux peuvent se mettre en place très rapidement, plongeant des familles dans le surendettement. A l’inverse, un accompagnement personnalisé, de long terme, est susceptible de créer des cercles vertueux, en facilitant les projections dans l’avenir et amenant ainsi à une meilleure maîtrise de sa vie.

Dans une période où le sentiment d’insécurité fait des ravages, les pouvoirs publics auraient tout intérêt à soutenir les banques sur cette voie.


Marie-Hélène BROIHANNE, Chercheuse à l’EM Strasbourg Business School

Daria PLOTKINA, Chercheuse à l’EM Strasbourg Business School