Face au risque cyber, donnons-nous les moyens de protéger les Français



Selon la société Mandiant, les cyberattaques russes ont augmenté de 300% en 2022 par rapport à 2020 dans les pays de l’OTAN. Ce chiffre illustre bien l’enjeu que représente le risque cyber pour notre société, d’autant plus perceptible depuis le début du conflit russo-ukrainien. Les assureurs ont depuis plusieurs années identifié les cyberattaques comme une des principales menaces pour la société1. Un débat s’est d’ailleurs instauré sur l’assurabilité des cyberattaques. Et ce pour plusieurs raisons.


D’abord, pour une raison technique. Les cyberattaques peuvent-être assurables ?

Le risque cyber se caractérise par une sinistralité de fréquence mais également d’intensité. De plus, ces attaques sont susceptibles d’entraîner un sinistre majeur tels que certains acteurs ont pu en connaître par le passé (Saint Gobain, Altran…).

Toutes les strates de la société peuvent être touchées : les grandes entreprises, les TPE et PME, les particuliers ou encore les établissements publics comme les hôpitaux.

Le phénomène est mondial. Par exemple, aux Etats-Unis, la National Association of Insurance Commissioners (NAIC) indique que les violations de données en 2021 sont supérieures de 68% par rapport à 20202, tout particulièrement dans le domaine de la santé. Selon le rapport de l’ANSSI3 « Panorama de la cybermenace en 2022 », la menace se maintient à un niveau élevé en 2022 en France. L’ampleur de ces cyberattaques et leur caractère systémique questionnent la capacité des assureurs à pouvoir les couvrir. Or, le marché de l’assurance cyber est encore un marché naissant. En 2021, le marché français le marché français du risque cyber représente 219 M€ de cotisations et uniquement 0,35 % du chiffre d’affaires des assurances de biens et responsabilité. C’est encore trop peu pour en faire un marché mature. A titre de comparaison, le marché de la cyber assurance aux États-Unis représente environ 6,5 milliards de dollars en primes directes souscrites, selon la NAIC, en augmentation de 61 % par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, ce marché est très disparate : le taux de couverture des grandes entreprises en 2021 était de 81% quand il est de 0,6% pour les TPE, PME et micro-entreprises4. C’est le jour et la nuit.  


Ensuite, pour une raison juridique. Les cyberattaques, tout particulièrement le remboursement des rançongiciels, doivent-elles être assurables ?

Le débat portant sur la légalité de la couverture assurantielle des remboursements des demandes de rançons a été vif en 2022. Le phénomène « rançongiciel » a représenté près de 80 % des cyberattaques en 2020, selon le Sophos 2022 Threat Report. Il était donc urgent d’avoir une position claire. C’est, en substance, ce que pointaient différents rapports sur le développement de l’assurance du risque cyber notamment celui du Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) ou encore de la Direction générale du Trésor. Ces rapports ont éclairé les débats en indiquant que l’indemnisation des rançons par l’assurance était possible sous certaines conditions.

Ce fut utile.


La loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a permis cette clarification très attendue par la profession. Elle a reconnu la licéité de l’assurance du remboursement des pertes liées à une cyberattaque en la conditionnant à une obligation de dépôt de plainte dans un délai de 72 heures, comme cela était préconisé dans les rapports.

Ce fut bienvenu.

Les cyberattaques peuvent donc être assurables. Nous pouvons nous en satisfaire. Pourquoi ? Prévoir une interdiction purement nationale de ce type de garantie aurait eu peu d’effet puisque aucun autre État membre de l’Union européenne n’a formellement interdit l’assurabilité du remboursement des rançons en cas de cyberattaque. Cela aurait donc nui au développement de l’assurance et aux mesures de prévention que mettent en place les assureurs, en laissant sans protection les cibles privilégiées de ce type d’attaques.  

Car c’est bien là l’objectif principal que nous devons, collectivement, atteindre : protéger. Protéger les entreprises, notamment les TPE, PME et ETI dont 40 % des demandes de rançongiciels les ciblent5 et qui disposent de moyens largement inférieurs aux grands groupes. Protéger les particuliers, qui peuvent parfois estimer la menace plus lointaine ou incertaine. Enfin, protéger les établissements publics, à commencer par les hôpitaux dont chacun ici peut comprendre cette impérieuse nécessité : 10 % des cyberattaques frappent des établissements publics de santé selon le rapport de l’ANSSI en 2022. 

Pour protéger, il faut sensibiliser. La sensibilisation doit être une priorité nationale pour favoriser la prise de conscience des Français. Un chiffre l’illustre : en 2022, 45% des entreprises ont subi au moins une cyberattaque selon OpinionWay6. Or, cette étude, révèle que le non-respect des fondamentaux dans les pratiques informatiques et la vulnérabilité résiduelle permanentes sont les principales causes des cyberattaques (38% et 37% respectivement). Plus de la moitié des patrons de PME n’ont pas de référent sécurité informatique. Tout est dit.

Les assureurs participent activement à cette prise de conscience. C’est en effet par l’assurance qui se développent les mesures de prévention en étant intégrées aux contrats. L’assurance protège à la fois par la garantie du contrat et par la prévention. Les assureurs ont ainsi développé des mesures d’accompagnement spécifiques au risque cyber afin de prévenir une attaque et d’en réduire les conséquences dommageables.

Et cela commence à porter ses fruits. L’assurance cyber est le segment qui enregistre la plus forte croissance du marché des assurances de biens et responsabilité en 2021 avec +52 % de progression des cotisations en 20217. France Assureurs accompagne la profession à renforcer cette prise de conscience au niveau de la société française. Ainsi, la Fédération des assureurs a par exemple signé en 2021 un partenariat avec la gendarmerie nationale et agéa, le syndicat des agents d’assurance, afin que les agents généraux d’assurance sensibilisent au risque cyber les entreprises sur tout le territoire.

Il faut néanmoins aller plus loin. Il faut une prise de conscience généralisée, incluant toutes les parties prenantes : les citoyens, les entreprises, les assureurs et bien sûr l’Etat. Il faut développer et diffuser une véritable culture du risque cyber. Les assureurs, dont le métier est de gérer les risques, disposent d’un savoir-faire certain en la matière. C’est la raison pour laquelle France Assureurs propose d’inclure une sensibilisation cyber dans le parcours des jeunes élèves dans les écoles, sur le modèle de ce qui peut se faire en matière de prévention routière. Il faut également amplifier l’effort auprès des entreprises et des collectivités territoriales. En ce sens, la mise en place du Campus Cyber doit être saluée.

Les assureurs sont une partie de la solution. L’Etat, les citoyens et les entreprises ont également dans leurs mains les outils pour mieux se protéger. Travaillons ensemble à mieux protéger les Français.


Franck LE VALLOIS, 

Directeur Général de France Assureurs


1 Cartographie prospective des risques, France Assureurs, 2023

2 Report on the Cyber lnsurance Market, NAIC, 2022

3 Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information

4 Enquête Lucy, Lumière sur la cyberassurance, édition 2022, AMRAE,

5 Panorama de la cybermenace 2022, ANSSI, 2022

6 Baromètre de la cybersécurité des entreprises, OpinionWay pour Cesin, janvier 2023

7 France Assureurs