Quelle économie post-Covid à Paris ?

Après plusieurs années particulièrement difficiles pour l’économie de la capitale avec les attentats, l’incendie de Notre-Dame, les manifestations des «  Gilets jaunes » et la grève des transports, les entreprises et les commerces parisiens ont à nouveau été très lourdement touchés dès mars 2020 par la crise sanitaire.

L’épidémie de Covid-19 a en effet provoqué une brutale mise à l’arrêt de l’économie et en raison de l’importance des secteurs du tourisme, de la restauration, de la culture et du commerce, Paris a été encore plus impactée que le reste de la France et même que l’Ile-de-France.

Selon les dernières données collectées par l’observatoire de l’économie parisienne, instance mise en place début 2021 par la Ville de Paris, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), la Chambre de commerce et d’industrie de Paris et de nombreux partenaires, Paris est le seul département francilien et un des rares départements français où les entreprises ont enregistré un nouveau repli de leur chiffre d’affaires au 1er trimestre 2021 (- 6,3 % par rapport au 1er trimestre 2020).

De même, il faut souligner que les grands pôles de commerce et de tourisme de la capitale sont très affectés par plusieurs phénomènes résultant de cette crise  : le maintien à un niveau important du télétravail qui prive les commerces et les restaurants d’une partie de leur clientèle dans la semaine ainsi que le petit nombre de touristes étrangers très préjudiciable à certains lieux (Champs-Élysées, Boulevard Haussmann…).

Cette situation affecte particulièrement une économie de services fortement dépendante de la fréquentation touristique : ce secteur est privé de perspectives depuis plus de 18 mois et certains établissements hôteliers n’ont pas rouvert depuis mars 2020 alors qu’en temps normal ils accueillent des millions de visiteurs internationaux.

D’après l’Office du tourisme et des congrès de Paris (OTCP), il y a eu entre 3,6 et 4,7 millions de touristes dans le Grand Paris entre juin et août 2021. C’est un peu mieux que l’année précédente, où l’on en avait recensé 2,6 millions entre juin et août 2020. C’est en revanche beaucoup moins qu’en 2019, année de référence avant le Covid-19. Plus de 10,2 millions de visiteurs avaient alors séjourné sur le territoire du Grand Paris. La baisse de la fréquentation touristique a été de l’ordre de 60 % entre 2019 et 2021.

Parallèlement, plus de 400 salons et des centaines de congrès ont été annulés depuis mars 2020. Ces annulations représentent des milliards d’euros de pertes directes et indirectes pour l’économie parisienne. En effet, la reprise timide des salons à Paris ne suffira pas à sauver une année 2021 qui a déjà vu l’annulation de 154 salons. Selon un bilan réalisé récemment par la CCI Paris Ile-de-France, c’est un manque à gagner de 3,4 millions de visiteurs et de 39.300 entreprises exposantes. Les retombées économiques perdues atteignent déjà 2  milliards d’euros au seul premier semestre 2021 et 5 milliards depuis le début de la crise.

À plus long terme, quelles seront les impacts de la crise sur l’économie parisienne ? Sans vouloir préjuger de certaines évolutions qui étaient déjà marquées avant la crise sanitaire, six points devront faire l’objet de la plus grande attention dans les prochains mois :

- Le télétravail : quelle que soit son ampleur, l’essor du télétravail aura pour effet de réduire les déplacements domicile-travail des actifs et, en conséquence, limitera l’animation de certains quartiers de bureaux. Des espaces seront libérés pour d’autres usages.

-Le commerce : selon le dernier recensement effectué en octobre 2020, on dénombre plus de 61.500 commerces et services commerciaux dans la capitale, soit une très forte densité commerciale comparée à celle des autres grandes villes françaises. Le sujet de la vacance commerciale devra être suivi avec précision dans les prochains mois car certaines activités (équipement de la personne, restauration, hôtellerie, vente de presse…) ont été très touchées par la crise qui a pu amplifier des tendances déjà à l’œuvre auparavant avec le développement du e-commerce.

-L’immobilier de bureaux : avec un parc estimé à 17 millions de m² à Paris, l’immobilier de bureaux accueille près de la moitié des emplois parisiens, soit plus de 960.100 emplois. L’immobilier de bureaux a été immédiatement impacté par la crise sanitaire en 2020. Et même si depuis le début de l’année 2021 la situation semble s’améliorer, la politique immobilière des entreprises risque de peser sur le marché des bureaux dans les prochains mois.

- Le tourisme : dans ce secteur très touché par la crise sanitaire, la reprise s’annonce incertaine. L’envie de se déplacer existe à nouveau mais Paris pâtit encore de la fermeture des frontières, qui la prive des flux de touristes américains ou asiatiques. Le retour des touristes internationaux n’interviendra peut-être pas avant la fin de l’année même si la diffusion des vaccins devrait favoriser le retour à une situation presque normale courant 2022.

- Les congrès et salons : si le retour des visiteurs devrait se concrétiser dans les prochains mois, les nouveaux modèles initiés pendant le confinement devraient perdurer dans ce secteur (salons virtuels ou hybrides…) et le retour aux fréquentations de 2019 n’est pas garanti pour les salons. Toutefois, le format « digital » ne permet pas tout ce qui fait la richesse d’un événement : les interactions, les échanges spontanés et le contact avec les produits. Les salons devraient donc reprendre leur développement mais il est difficile de dire à quelle vitesse.

- Les tensions en matière d’emplois : de nombreux secteurs d’activité font face à des difficultés de recrutement ; ces tensions sur le marché de l’emploi pourraient limiter la reprise économique dans certaines activités, notamment dans le secteur de la restauration.

Pour conclure sur une note d’optimisme, l’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sera un formidable facteur d’attractivité pour la capitale et pourraient créer jusqu’à 150  000 emplois. C’est l’un des grands enjeux des prochaines années pour la capitale : former les jeunes et les conduire à un emploi durable dans des secteurs qui cherchent des compétences !

Dominique RESTINO, Président de la CCI Paris Île-de-France