ECOLE FRANÇAISE DE LA FINANCE : MYTHE OU RÉALITÉ ?

 

Avant-propos

 

Michel PEBEREAU

Président du Centre des Professions Financières

 

Si une crise, somme toute classique, de crédit immobilier aux Etats-Unis s’est transformée en une crise financière mondiale qui a failli devenir systémique, c’est qu’elle a trouvé ses origines non seulement dans certains dysfonctionnements au niveau microéconomique, mais aussi dans de sérieux déséquilibres macroéconomiques de l’industrie financière. Pour autant, les erreurs d’appréciation et de gestion de trop nombreux établissements bancaires n’en sont pas moins critiquables. Quant aux fautes commises par certains, elles sont, elles, tout à fait  condamnables. Les films que les américains ont consacrés à la crise sont utiles dans la mesure où ils dénoncent ces dysfonctionnements.
 
Mais il ne serait ni fondé, ni équitable de considérer, comme quelques commentateurs sont tentés de le faire, que la finance n’est mue que par la recherche de gains immédiats et qu’elle est peuplée de salariés qui ressemblent peu ou prou aux personnages de ces films.
 
D’abord parce que la finance englobe bien des activités qui n’ont guère de rapport avec celles que présentent ces films : les services bancaires aux particuliers et aux entreprises, la gestion d’actifs, l’assurance, vie et dommage, les fonctions diverses et de gestion de trésorerie des entreprises et des collectivités. Mais surtout parce que les professionnels de la finance en France, y compris la très grande majorité de ceux qui exercent des métiers dans la finance de marché, portent des jugements sévères sur des comportements qu’ils jugent déviants.
 
La vérité est que, pour nous, au Centre des Professions Financières, l’industrie financière est avant tout au service de ses clients, pour la réalisation de leurs projets, et, au service  de l’économie, pour assurer son développement. Nous avons en outre, la conviction que le bon exercice de la finance nécessite une régulation des activités, et une réelle éthique des acteurs. En réalité, la vraie question est celle des  conceptions et des pratiques de la finance : obéissent-elles partout à un seul ou même modèle ?  
 
Le concept d’Ecole Française de la Finance a émergé du manifeste qu’a présenté par Edouard Salustro à l’occasion de notre Congrès du 21 juin 2013, et du débat organisé à la Sorbonne pour la remise du prix du 30ème concours des Mémoires de l’Economie et de la Finance le 5 juin 2014. Lors de la table ronde qu’il présidait ce jour-là, Jean-Marc Daniel s’est interrogé sur l’existence de cette Ecole. C’est dans ce contexte que notre conseil d’administration a décidé, sur ma proposition de consacrer ses réflexions et ses initiatives à ce sujet, aux côtés de celui, prioritaire à mes yeux, de la révolution numérique qui bouleverse toutes nos activités.
 
C’est ainsi que le thème de l’Ecole Française de la Finance qui a été retenu pour cette 10ème édition de la revue annuelle du Centre, l’Année des Professions Financières. Ce choix représente une triple évolution dans la conception de notre publication.
L’APF a toujours eu pour objectif de participer à la vocation traditionnelle du Centre : "Comprendre et faire comprendre les professions financières". C’est la première fois qu'elle est amenée à traiter d'un thème plus précis, orientant les activités du CPF. Ce volume constitue l'une des premières contributions à la réflexion que nous avons décidé d'entreprendre en la matière.
 
C'est également la première fois que l'APF choisit de traiter un tel sujet de fond. Sa conception  initiale était celle d'un simple "Yearbook", décrivant chaque année la situation de la finance française. A la suite de la crise, elle s'est progressivement orientée vers la recherche d'explications aux évolutions observées et la présentation de solutions aux difficultés rencontrées.
 
Enfin, ce volume vise à appréhender la finance de manière globale, en cherchant à mettre en évidence les traits qui fondent son unité, et non plus à l'approcher de manière analytique, en examinant tour à tour chacune de ses composantes.
Pour aborder ce sujet ambitieux, plusieurs dizaines de personnalités, d'expérience, de formation et d'âge les plus variés, ont été invitées à exprimer leur opinion sur l'existence d'une approche ou d'une culture spécifiquement française de la finance. Trente ont accepté de répondre dès cette année à cette invitation. Ce sont leurs contributions qui sont réunies dans ce volume.
 
Quelle que soit la diversité de leurs propos, plusieurs traits convergents de la finance française en ressortent : le souci permanent des responsabilités et l’éthique, la priorité constante accordée à l'intérêt du client, l’adhésion au principe d'un marché régulé, le degré élevé de professionnalisme, résultant notamment d'un effort intense de formation, un modèle éprouvé d'organisation, alliant approche universelle des métiers et diversité des cultures d'entreprise. Le tout repose sur des principes enracinés dans une longue histoire.
 
Cet ouvrage n'est pour autant qu'une première approche de "l'Ecole Française de la Finance" : tous les aspects de la finance française n'y ont pas été abordés et toutes les opinions ne se sont pas exprimées. Il ne propose pas non plus d'analyse comparative des conceptions et des pratiques des principaux pays proches du nôtre, notamment des pays de la zone euro. Il n'entend pas dégager ou définir un "modèle" particulier d'exercice des activités financières. 
 
La démarche entreprise ici devra donc être poursuivie et cela dans deux directions au moins. Les réflexions engagées cette année devront être approfondies, notamment pour mieux cerner les spécificités au-delà des caractéristiques. Elles devront également être élargies à des pays voisins, afin d’essayer de dégager les traits d’ une éventuelle Ecole de la Finance de l'Europe continentale.
 
C'est donc à un large débat qu'invite cette 10ème édition de l'APF. J’espère qu’elle sera justement appréciée par tous ses lecteurs.