Il est toujours intéressant lors d’une campagne électorale de s’arrêter sur les programmes économiques proposés par les différents candidats. Mais d’autres acteurs importants de la vie économique du pays profitent également de cette période charnière pour faire passer des messages. C’est l’exercice auquel s’est livré le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors de la conférence donnée dans le cadre de la House of Finance de l’Université Paris Dauphine – PSL, le 18 janvier dernier. 

Si le début de son intervention fut plutôt classique et attendu, faisant un rapide état de l’économie française, des préoccupations très actuelles liées au niveau de l’inflation ou de la croissance, la suite fut beaucoup plus intéressante. Elle expliquait comment gagner le demi-point de croissance dont on a besoin pour traiter deux maux bien français, à savoir un pouvoir d’achat qui ne progresse qu’au prix d’une dérive de la dette publique et un taux de chômage à un niveau encore trop élevé. Cela marque une sortie du discours classique d’un banquier central et une entrée dans le monde de la stratégie économique. Le discours s’adressait à clairement la classe politique et sonnait presque comme une feuille de route économique pour le prochain Président de la République.

Intéressons-nous donc à la manière de gagner ce demi-point de croissance. Une partie de la réponse se joue au niveau européen et les grandes transformations, écologique et numérique, financées via une accélération de l’union des marchés de capitaux. Mais pour le Gouverneur de la Banque de France, la solution réside pour l’essentiel dans la résolution de deux défis spécifiques à la France : l’insuffisance de l’offre de travail disponible et l’endettement public massif. On entre ici de plein pied dans une ébauche de programme économique. Pour augmenter l’offre de travail, les mesures économiques avancées sont globales et touchent toutes les tranches de la population. Il faut augmenter l’employabilité des jeunes en renforçant l’éducation et l’apprentissage. Il faut réformer les retraites pour permettre aux seniors de participer à l’effort national. Et entre les deux, pour les actifs, il faut à la fois jouer la carte de la formation professionnelle pour accroitre les qualifications, réformer l’assurance chômage et agir sur les salaires pour augmenter l’attractivité de certains métiers. Pour réduire l’endettement public, la recette est simple. Après la période du Covid, Il faut savoir retrouver de la fermeté face aux promesses faciles de dépenses nouvelles ou de baisses d’impôts, fréquentes en ces temps de campagnes électorales. Freiner la hausse actuelle des dépenses publiques et non les diminuer, mais surtout les diriger en priorité vers des investissements d’avenir qui permettraient alors de bénéficier d’un meilleur effet multiplicateur, plus efficace sur la croissance à terme. 

Cette partie du discours peut surprendre car elle rentre très précisément dans le détail des mesures à mettre en place sur le long terme pour assurer la bonne santé économique de notre pays. On ne parle en effet plus ici d’inflation ou de politique budgétaire, mais bien de politique économique, à initier autour de mesures très concrètes touchant la formation, la protection sociale ou la politique d’investissement de l’état. Voyons maintenant si ce discours sera entendu par les candidats à la prochaine élection, et si tout ou partie des mesures proposées se retrouveront dans leur programme économique.

Serge DAROLLES, Professeur de Finance, Université Paris Dauphine-PSL