Comment pilotez-vous vos pépettes ou celles de vos clients ?

Représentant moins de 1 % des encours de l’assurance vie, la gestion pilotée ou sous mandat est encore très peu utilisée. Mais cela est sur le point de changer. Mise sur le devant de la scène par le Plan d’épargne retraite avec la Loi Pacte en 2019 qui en a fait le mode de gestion par défaut, la gestion pilotée est une star en devenir. Les raisons de son succès semblent en effet enfin réunies  : une offre de plus en plus abondante, une pression règlementaire croissante (DDA1), la limitation de l’accès aux fonds en euros, la démocratisation de l’accès à l’épargne et la plateformisation de l’assurance-vie. Assureurs, gestionnaires d’actifs, distributeurs… Les professionnels de l’épargne ont aujourd’hui de quoi démontrer clairement l’intérêt de la gestion pilotée pour l’épargnant, mais aussi de quoi rationaliser drastiquement leurs modes opératoires et leurs frais en vue de proposer des offres irrésistibles aux Français. Explications.

Les feux passent au vert

Des assureurs aux épargnants, en passant par les gestionnaires d’actifs et les distributeurs, le chemin de la gestion pilotée a longtemps été semé d’embûches.

Difficultés pour intégrer de la gestion sous mandat dans un contrat (en raison des limites de certains systèmes d’information), hésitations des décisionnaires à l’heure de proposer une offre nouvelle au succès incertain, mise en place coûteuse des reportings réglementaires, complexité de la gestion des allocations avec une saisie manuelle (souvent longue et incomplète) qui allonge les délais de prise en compte des arbitrages demandés, et impacte, in fine, la performance… La liste est longue, mais bien qu’elle ne représente toujours qu’une part marginale des investissements en unités de compte, la gestion pilotée voit peu à peu ces obstacles disparaître.

Qui plus est, en quête de davantage de transparence et de personnalisation, les épargnants comme les régulateurs relèvent certes leurs niveaux d’exigence en la matière (offrant par la même occasion de nouveaux défis aux acteurs de l’épargne), mais les nouvelles technologies rendent aujourd’hui possibles de vraies prouesses !

Les nouveaux circuits de la gestion pilotée

Dans un mouvement historique inédit, le centre de gravité du système d’épargne longtemps axé sur quelques grandes stratégies d’investissement se déplace vers l’épargnant lui-même. Et ce grand basculement n’est pas sans conséquences.

Encouragée notamment par la réglementation SFDR2, cette prise en compte des objectifs et des envies propres à chaque épargnant invite les acteurs de l’épargne à rejoindre de nouveaux écosystèmes. Mieux adaptées aux nouveaux enjeux, les plateformes digitales3 et leurs solutions numériques permettent ainsi de faire converger l’offre et la demande de produits et solutions d’épargne, mais aussi et surtout de réunir les différents acteurs, autant pour répondre à leurs besoins propres que pour leur permettre de collaborer plus efficacement.

Acquisition de nouveaux clients, fonctionnalités d’aide-à-la-vente, d’aide à la transformation des stocks et de suivi des portefeuilles, ces plateformes de nouvelle génération supportent directement les professionnels du secteur de l’épargne tout en leur offrant l’opportunité unique de se consacrer pleinement à leur cœur de métier.

Du côté des gestionnaires d’actifs et allocataires, ce nouveau mode organisationnel se traduit par un gain de temps direct dans l’administration de leurs différentes gestions (via la mise à jour automatisée de leurs univers d’investissement et de leurs reportings), par la simplification drastique de leurs échanges avec les assureurs (via l’envoi standardisé et automatique des grilles), et par la réduction des risques d’erreurs (via la réalisation de contrôle pré-trade des recommandations transmises, mais aussi par la possibilité de sécuriser rapidement leurs portefeuilles en cas de risques sur les marchés).

Du côté des assureurs, le recours aux plateformes digitales spécialisées permet un gain de temps précieux lors de la réception et du traitement des portefeuilles, une transparence accrue dans le suivi et la comparaison des performances, ainsi qu’une plus grande clarté dans la communication, qu’il s’agisse d’émettre des reportings standardisés à destination des réseaux de distribution ou à usage interne.

Enfin, du côté des distributeurs, ces mêmes plateformes alimentent par exemple un site internetpermettant d’accéder en un seul et même endroit à l’ensemble des assureurs et des gestions pilotées. Grâce aux outils d’aide à la vente, il est alors possible de choisir le meilleur assureur et les meilleurs produits en fonction du projet du client. Puis d’adresser à l’épargnant une proposition d’investissement sur mesure dont la rédaction, le traitement et la transmission auprès des assureurs seront automatisés.

Le pouvoir rendu à l’épargnant

Accéder à l’investissement sur mesure quel que soit le montant investi, bénéficier d’une transparence totale sur les frais, recevoir le meilleur conseil possible… Avec les nouvelles plateformes digitales, l’épargnant profite à coup sûr de cette nouvelle donne, mais il n’est pas le seul. Les bons professionnels de l’épargne, ceux capables d’offrir le meilleur service et les meilleurs produits pour un niveau de frais donné ont eux aussi de quoi tirer leur épingle du jeu ! Avec la possibilité de comparer les offres sur de multiples critères (performances, frais, critères ESG…), chaque acteur se retrouve enfin sur un même pied d’égalité : recommandé au client non pas pour les commissions qu’il octroie, mais pour la qualité du service qu’il propose.

Interdit depuis 2004 au Danemark, en Finlande et en Norvège, le versement de commissions pour les produits d’assurance (dont l’assurance-vie) fait aujourd’hui l’objet de discussions sérieuses au niveau européen en vue d’apporter davantage de transparence au marché de l’épargne. Et au regard de l’impact observé sur le marché britannique suite à la mise en place de cette mesure, mieux vaut sûrement l’anticiper avec sagesse.

Qu’il s’agisse de la transparence des frais ou de la prise en compte approfondie des souhaits du client, mieux vaut prendre rapidement une longueur d’avance au risque de se retrouver dans une impasse le moment venu…

À chaque projet, sa gestion pilotée

L’offre de gestion pilotée doit être regardée de près par chaque épargnant, aidé ou pas par son conseiller financier. Il est en effet indispensable de s’assurer non seulement de l’adéquation de l’offre par rapport au profil de risque ou de durabilité de l’investisseur mais aussi de l’approche de gestion elle-même. En effet, plusieurs philosophies sont appliquées par les gérants ou allocataires : l’allocation stratégique qui ne bouge pas ou peu dans le temps, l’allocation à horizon dont l’exposition actions décroit avec le temps de manière prédéfinie (quitte à finir investi dans des fonds obligataires et monétaires à l’approche de l’horizon), l’allocation discrétionnaire qui dépend de la vision macroéconomique du gérant ou encore l’allocation qui tient compte de la perte maximale en capital à ne pas dépasser (le maximum drawdown). Sans rentrer dans (trop) de détails techniques, chaque approche repose sur des visions différentes du monde.

Pour l’allocation stratégique, l’approche la plus utilisée car basée sur la théorie mode du portefeuille, la seule chose qui compte est le point de départ et le point d’arrivée, faisant fi du chemin parcouru. Elle fait des hypothèses fortes sur le rendement, la volatilité et la corrélation entre les classes d’actifs à l’échéance de l’investissement et sélectionne un portefeuille qui appartient à la frontière efficiente. Si les hypothèses de risque et de rendement à échéance de l’investissement sont correctes et que l’épargnant est capable de faire abstraction de ce qui se passe dans le marché pendant la durée de son investissement, cette approche est pour lui !

La gestion pilotée à horizon est habituellement proposée aux investisseurs individuels souhaitant préparer leur retraite, mais elle peut également être envisagée pour tout investisseur ayant un horizon de placement fixe. L’allocation est prédéterminée sur la base d’études stratégiques entre les actions et les produits de taux, pour contrôler la probabilité de perte en capital à échéance. À mesure que l’investisseur approche de son horizon de placement, les actifs du portefeuille sont transférés de la poche actions vers la poche taux afin de théoriquement réduire le risque du portefeuille. Le résultat de ce type d’approche peut être très différent d’un portefeuille à l’autre car ces trans-ferts ont lieu sans aucune référence à la situation des marchés ou à l’évolution du portefeuille. L’hypothèse sous-jacente forte est que la prime de risque des ac-tions par rapport aux obligations est lissée dans le temps.

L’approche discrétionnaire est perçue comme étant la plus « artistique », au sens qu’elle repose plus sur des analyses macroéconomiques et moins sur des algorithmes dont le comportement peut être prédit donc testé. Le gérant fait des paris sur l’évolution future des classes d’actifs dans lesquelles il souhaite investir et il faut en général qu’il ait raison plus de fois qu’il n’a tort pour que cela fonctionne. Le choix de cette approche se fait souvent en tenant compte du track record du gérant et de sa capacité à communiquer sur sa stratégie.

Enfin, l’approche de la gestion de la perte maximale en capital5 est celle qui est la plus facile à comprendre pour l’investisseur. Celui-ci définit la perte maximale qu’il est prêt à subir et l’algorithme détermine à tout moment la meilleure allocation à avoir pour maximiser la performance en tenant compte de cette limite. L’épargnant est plus serein quant à l’évolution possible de son investissement, particulièrement en période de stress sur le marché, comme ce que nous avons vécu depuis le début de l’année 2022.

Dans tous les cas, une vision prospective de ce que chaque approche donne en termes de probabilité d’atteindre l’objectif de l’épargnant, en utilisant par exemple un simulateur, devra permettre de les départager au cas par cas.

Souhaitée et souhaitable, la gestion pilotée profite d’un contexte particulièrement favorable. Une fois dotés des bons outils, ses acteurs les plus performants et les plus responsables auront donc à coup sûr de beaux jours devant eux. Pour le grand bonheur des épargnants. Car après tout, ce sont leurs pépettes qu’il s’agit de piloter .


Adina GRIGORIU
CEO et fondatrice d'AAA (Active Asset Allocation)


1/ Directive sur la Distribution d’Assurance, entrée en vigueur le 23 février 2016.

2/ Règlement « Sustainable Finance Disclosure Regulation », en faveur de la transparence en termes de responsabilité environnementale et sociale au sein des marchés financiers.

3/ À l’exemple de COANDA par Active Asset Allocation, place de marché de l’épargne pilotée.

4/ Voir  mespepettespilotees.fr.

5/ Voir https://active-asset-allocation.com/fr/2016/03/02/risk-letter-drawdown-d...