Introduction à l'hydrogène

Lors de nos échanges mensuels des Forums Mac Mahon du premier semestre 2022, nous nous sommes intéressés à la souveraineté, notamment énergétique. Parmi les différentes options qui se présentent, l'hydrogène nous est apparu comme une solution riche de promesses. 

La note ci-après présente quelques éléments de base sur cette énergie qui peut être décarbonée : définitions, techniques de production, coûts de production, transports, utilisations, ainsi que quelques éléments d'actualité témoignant de l'intérêt accru qui y est porté par les pouvoirs publics et de grands acteurs économiques. 

Définition des types d’hydrogène

  • L’hydrogène vert ou « renouvelable  », selon l’ADEME, est fabriqué par électrolyse de l’eau à partir d’électricité provenant uniquement d’énergie renouvelable (éolienne, photovoltaïque).

  • L’hydrogène gris ou « fossile », selon l’ADEME, est fabriqué par des procédés thermochimiques avec comme matières premières des sources fossiles (charbon ou gaz naturel).

  • L’hydrogène bleu est fabriqué de la même manière que l’hydrogène gris, à la différence que le CO2 émis lors de la fabrication sera capté pour être stocké ou réutilisé.

  • L’hydrogène jaune, spécifique à la France, est fabriqué comme l’hydrogène vert, à partir d’électricité provenant d’énergie nucléaire.

L’ADEME, pro-renouvelable et anti-nucléaire, qualifie les hydrogènes bleu et jaune d’hydrogènes bas carbone pour les distinguer nettement de l’hydrogène renouvelable. 

Techniques de production de l’hydrogène

Le reformage du gaz naturel à la vapeur d’eau ou vaporeformage, est la technique la plus répandue. En faisant réagir le méthane, principal constituant du gaz utilisé, avec de la vapeur d’eau surchauffée, on obtient un mélange de CO2 et d’hydrogène.

Variante, le gaz peut provenir de la gazéification du charbon ou de la biomasse.

L’électrolyse de l’eau qui sépare une molécule d’eau en hydrogène et en oxygène, technique plus coûteuse (2 à 3 fois plus chère que le reformage du gaz naturel aux conditions actuelles), permet de produire un hydrogène d’un niveau élevé de pureté.

La pyrolyse du méthane qui permet de séparer l’hydrogène du carbone sous forme solide utilisable par exemple pour la fabrication de mines de crayon.

Coût de la production d’hydrogène

95% de l’hydrogène est aujourd’hui produit à partir des énergies fossiles car c’est la solution la moins coûteuse, mais elle émet beaucoup de CO2. On produit généralement plus de 10 Kg de CO2 par Kg d’hydrogène obtenu.

Pour obtenir un hydrogène faiblement carboné, quatre solutions principales sont possibles, mais elles sont plus coûteuses que le reformage des hydrocarbures :

  • Capter le CO2 émis lors de la production par transformation d’énergies fossiles, le transporter et le stocker géologiquement.

  • A la place du gaz naturel, utiliser le biométhane issu de la fermentation de la biomasse permet de produire un hydrogène décarboné.

  • Opérer par pyrolyse du méthane.

  • Produire l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau avec de l’électricité décarbonée fournie par l’énergie nucléaire, éolienne et solaire.

Ces dernières solutions sont 2 à 3 fois plus chères que le vaporeformage avec captage de CO2, même en tenant compte du stockage du CO2.

Transport de l’hydrogène

L’hydrogène est généralement transporté sous forme comprimée via un réseau de pipelines relativement étendu avec un total de 4.500 km dans le monde dont 1.600 en Europe et 2.500 aux Etats-Unis.

Le transport par bateaux est possible mais le niveau de compression exigé grève le prix du transport. C’est la raison pour laquelle American Products, qui construit une usine en Arabie Saoudite, préfère produire de l’ammoniaque, le transporter par bateaux et fabriquer de l’hydrogène à destination et l’utiliser directement pour la fabrication de produits chimiques, notamment des engrais et de l’éthanol.

Utilisation de l’hydrogène

Son utilisation est prometteuse sur le plan théorique : énergie, chaleur, transport. Mais son coût reste élevé compte tenu de la complexité de sa fabrication : électricité, électrolyseurs, stockage, transport. Une baisse considérable de ces différents éléments est nécessaire pour atteindre un prix de revient de 1 à 2 euros du kilo d’hydrogène (contre 9 à 10 euros aujourd’hui) pour être concurrentiel avec les formes d’énergie classique.

L’utilisation de l’hydrogène stocké pour produire de l’énergie électrique peut notamment permettre de pallier l’intermittence des énergies renouvelables, mais son utilisation sous cette forme est très coûteuse du fait de la double transformation électricité vers hydrogène puis hydrogène vers électricité. L’utilisation pour les transports semble la plus prometteuse.

Conclusion provisoire

L’avenir de l’hydrogène se situe dans les prochaines décennies où il risque de se trouver en concurrence avec les énergies fossiles qui pourraient bénéficier des nouvelles techniques de captation et de stockage du CO2 d’une part, et du développement de biocarburants, ainsi que de carburants de synthèse à partir du CO2 d’autre part.

Il est par ailleurs probable que la production massive d’hydrogène vert sera économiquement difficile à réaliser en Europe, et devra se faire dans des pays à fort ensoleillement ou fortement ventés. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne a dès à présent noué un accord de coopération avec le Maroc pour produire de l’hydrogène sur place et le ramener en Allemagne via le réseau transméditerranéen.

C’est ainsi également que Porsche développe un projet de fabrication de carburant de synthèse à partir du CO2 au sud du Chili avec de l’électricité éolienne, où le coût du mégawattheure est trois fois moins cher qu’en Europe  : les aérogénérateurs y fonctionnent à plein régime 270 jours par an contre 80 en Allemagne.

Ceci introduit une dimension géostratégique importante dans l’analyse du sujet et les schémas de production et de transport qui pourront se mettre en place.

Evolution récente du marché de l’hydrogène

Deux évolutions se font jour :

1°) Le renforcement de la production de l’hydrogène à partir des pays à fort ensoleillement.

Certains pays en développement à fort ensoleillement y voient une opportunité de croissance économique majeure. Tel est le cas de la Namibie qui en fait un axe majeur de son futur économique. Il en est de même de la Mauritanie et de l’Egypte.

Dans cette perspective douze gestionnaires de réseaux de transport de gaz issus de onze pays européens, à l’initiative de GRTgaz et de Fluxys qui ont lancé un appel à intérêt pour un réseau transfrontalier franco-belge, ont exposé leur volonté de développer une dorsale hydrogène européenne longue de 39.700 km reliant 21 pays européens à l’horizon 2040 par utilisation des réseaux de gaz existants, notamment de ceux reliés au continent africain.

L’Allemagne a d’ailleurs prévu que les terminaux gaziers en cour de construction serviraient à terme à l’importation d’hydrogène.

Les Pays Bas comptent également sur les importations d’hydrogène. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement néerlandais a confié à Gas Unie la responsabilité de développer un réseau entre les ports maritimes, les grands pôles industriels et les centres industriels en utilisant 80% des infrastructures existantes.

Cette orientation n’exclue pas de chercher à tirer parti des gigantesques parcs offshore en Mer du Nord.

2°) la production d’hydrogène à partir d’électricité éolienne

Au-delà de petites productions décentralisées pour des usages locaux, les parcs offshore en Mer du Nord offrent l’opportunité de fournir de l’électricité en quantité importante à des prix compétitifs. L’intermittence n’est pas un obstacle pour la fabrication d’hydrogène vert utilisable directement pour des besoins industriels spécifiques ou les transports.

Tel est le cas du projet de Shell de la plus grande usine de production d’hydrogène renouvelable sur le port de Rotterdam dont l’énergie sera fournie par le parc éolien offshore de Kust qui appartient en partie à Shell.


Jacques-André TROESCH
Conseiller maître honoraire, Régulateur du marché français et eurpéen de l'énergie (2000-2008)